Bernardo Trujillo et ses 10 règles de la distribution
Il est surnommé le pape de la distribution vu les prêches qu'il a offert sur le domaine. Il est considéré comme l'un des précurseurs du merchandising.
Né en Colombie en 1920 dans une famille aisée, Bernado Trujillo a suivi des études de droit à la faculté de Bogota, qu’il a poursuivies aux Etats-Unis et devient citoyen américain. Il commença sa carrière en tant que traducteur en 1944 et fut promu en 1956 conférencier jusqu'en 1970. En 1956 la NCR (National Cash Register) le premier fabricant mondial de caisses-enregistreuses où il travaillé cherchait un moyen de dynamiser ses ventes, et imagina un cycle de séminaires destinés aux commerçants, baptisé MMM (Méthodes Marchandes Modernes). Trujillo en fut le principal animateur, il réunira plus de 11.000 conférenciers hommes d'affaires des pays industrialisés issus principalement de la grande distribution qui était à ses balbutiements.
Son succès tient à ses talents de communicant et à son goût pour la provocation. Il avait l’habitude de commencer ses conférences par une minute de silence, puis déclarait à l’assemblée : « Nous venons d’observer une minute de silence à la mémoire des 25 % d’entre vous qui disparaîtront au cours des 5 prochaines années pour cause d’incompétence notoire dans l’appréciation de l’évolution de la distribution ». Quand l’un de ses auditeurs se vantait d’avoir 20 ans d’expérience dans la distribution, Trujillo lui répliquait : « Avez-vous vraiment 20 années d’expérience ou une année d’erreur répétée 20 fois ?. »
Photo © Yves Soulabail
Voici ses 10 règles de la distribution :
1- « Le succès repose sur trois pieds : le libre-service, les discounts, le tamtam publicitaire. Qu’un seul vienne à manquer et tout s’écroule » Dans les années 1950, les épiciers français vendaient des produits à la coupe. Passer par un vendeur était donc une étape obligée. Par conséquent, les marges du secteur étaient élevées, ce qui interdisait la pratique de prix bas (discount). Enfin, les épiceries commerçaient avec une clientèle de proximité et fidélisée, ce qui rendait toute forme de publicité superfétatoire. Le modèle de Bernardo Trujillo bouleverse complètement ce système.
2- « One-stop shopping ». C’est le principe du « tout sous le même toit » : le client doit pouvoir faire tous ses achats dans un seul et même lieu.
3- « La pancarte est le meilleur vendeur : vous ne la payez qu’une fois et elle ne prend jamais de vacances ». Bernardo Trujillo enjoignait régulièrement les distributeurs à se passer de vendeurs, contrairement aux pratiques de l’époque.
4- « Les pauvres ont besoin de prix bas. Les riches adorent ça ». Bernardo Trujillo se faisait le chantre du discount, c’est-à-dire des prix bas (à ne pas confondre avec le hard-discount actuel). Là où l’épicier de 1950 s’efforçait de vendre de petites quantités au prix le plus élevé, Trujillo, défendait une stratégie de volumes avec des marges divisées par deux. L’avenir lui a donné raison.
5- « Créer un îlot de perte dans un océan de profits ». C’est le principe du produit d’appel qui a fait ses preuves depuis. Boucicaut, créateur du Bon Marché, l’avait formulée autrement en parlant des « produits qui se vendent et des produits qui font vendre ».
6- « L’animation, c’est le client ; le décor, c’est le produit ». Un magasin attractif est un magasin aux allées pleines de clients et aux rayons pleins de produits. Trujillo savait que, plus que n’importe quelle animation polysensorielle moderne, le client attire toujours le client.
7-« Les marques sans marques ». Etienne Thil, directeur du marketing de la société Carrefour, lance en 1976 les premiers produits de marques de distributeurs (MDD) baptisés « Produits Libres », en s’inspirant des idées de Trujillo. Le principe sera repris par les Produits Orange (Euromarché), les Produits Blanc (Continent)…
8- « C’est là où il y a du trafic que l’on peut faire du commerce ». Il s’agit ici de trafic routier. Trujillo encourageait les distributeurs à s’implanter en périphéries urbaines, considérant que l’avenir était à l’automobile.
9- « No parking, no business ». Le corollaire du précédent. Chaque place de parking est génératrice de chiffre d’affaires. Il faut donc qu’un client d’hypermarché trouve toujours une place libre quand il vient faire ses courses.
10- « Empiler haut et vendre à prix bas ». L’usage de linéaires permet d’optimiser les rayonnages et de vendre des quantités plus importantes, qui viennent compenser les prix bas pratiqués pour attirer les foules.
Le génie de Trujillo a donc été de prévenir et d’accompagner la distribution dans sa transition de l’épicerie de proximité au libre-service discount.
Voici une bande sonore qui vous montre son tempérament en conférence.
Enregistrement sonore © Yves Soulabail